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Dialogue « pervers » entre la peau et le système immun dans la dermatite atopique.
lundi 22 septembre 2003, par
Le psoriasis et la dermatite atopique sont les maladies inflammatoires chroniques les plus fréquentes. Les auteurs ont cherché à mettre en évidence les mécanismes physiopathologiques qui expliquent que la dermatite atopique s’infecte souvent et le psoriasis rarement.
Environnement cytokinique de la dermatite atopique, comparé à celui du psoriasis, la peau inhibe l’induction des gènes de la réponse immune innée. : Nomura I, Goleva E, Howell MD, Hamid QA, Ong PY, Hall CF, Darst MA, Gao B, Boguniewicz M, Travers JB, Leung DY. Department of Pediatrics, National Jewish Medical and Research Center, Denver, CO 80206, USA. dans J Immunol. 2003 Sep 15 ;171(6):3262-9.
– CONTEXTE. La dermatite atopique (DA) et le psoriasis sont les deux principales atteintes cutanées chroniques. Cependant, les patients atteints de DA, mais pas les psoriasiques, souffrent fréquemment d’infections cutanées.
– METHODES.
* Afin de comprendre les bases moléculaires de ce phénomène, les biopsies cutanées de patients atteints de DA et de psoriasis ont été analysées à l’aide de la méthode « GeneChip micorarrays » (puces à ADN).
* L’expression des gènes de la réponse immunitaire innée évaluée par le dosage de la défensine humaine bêta (HBD)2, IL-8 et la synthétase inductrice du NO (iNOS), a été retrouvée diminuée dans la DA comparativement au psoriasis (HBD-2, p=0,00021 ; IL-8, p=0,044 ; iNOS, p=0,016).
* La diminution de l’expression d’un nouveau peptide antimicrobien, HBD-3, a été démontrée par la méthode du « real-time PCR » (p=0,0002) et par le dosage de la protéine par méthode immunohistochimique (p=0,0005).
– Résultats :
* Grâce au « real-time PCR », nos données confirmaient que la DA, comparée au psoriasis, est associée à une élévation de la production cutanée des cytokines TH2 et d’un niveau bas des cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-alpha, INF-gamma et l’IL-1 bêta.
* Du fait que HBD-2, IL-8 et iNOS sont connus pour être inhibés par les cytokines TH2, nous avons examiné les effets de l’IL-4 et de l’IL-13 sur l’expression d’HBD-3 par des kératinocytes en culture in-vitro. Nous avons trouvé que l’IL-4 et l’IL-13 inhibaient le TNF-alpha et l’INF-gamma induits par le HBD-3.
– CONCLUSIONS.
* Ces études indiquent que la diminution de l’expression de la constellation des gènes anti-microbiens survient du fait du résultat d’une régulation tendant à augmenter les cytokines TH2 et d’une insuffisance d’élévation du TNF-alpha et de l’IFN-gamma dans les conditions inflammatoires de la peau d’une DA.
* Ces observations pourraient rendre compte de l’augmentation de la susceptibilité de la peau dans la DA aux micro-organismes et suggère une nouvelle règle fondamentale qui peut expliquer le mécanisme des infections récidivantes des autres maladies médiées par les cytokines TH2.
Cette étude est le fruit d’un travail de plusieurs équipes (Denver, Indianapolis, Montréal). Elle a recours à des techniques sophistiquées qui méritent d’être explicitées.
Ainsi, le « Genechips microarrays » (puces à ADN) est une technique d’hybridation permettant l’analyse génomique comparative de l’expression d’un grand nombre de mRNA. Les sondes sont constituées par des ADN connus dont le rôle est de détecter des cibles marquées complémentaires (mARN, tissus, organes).
Le « real-time PCR » est un concept qui utilise la PCR (Polymerase Chain Reaction), méthode d’amplification de l’ADN. Cette technique est longue du fait de la préparation et de l’amplification. En pratique courante, elle n’est donc pas utilisable. D’où l’intérêt du « real-time » qui diminue le temps d’attente du résultat par extraction automatique de l’ADN et utilisation de la fluorescence.
Ces précisions étant faites, il faut en venir aux résultats de cette étude. Elle suggère que dans l’état inflammatoire spécifique de la DA, d’une part, les cytokines TH2 diminuent l’expression de la réponse immune innée, et, d’autre part, amplifie le déficit en TNF-alpha et l’IFN-gamma (profil TH1) du fait que les kératinocytes sécrètent moins de ces cytokines car l’IL-13 et l’IL-4 inhibent l’effet inducteur d’HB-3 sur TNF-alpha et IFN-gamma.
Ainsi, comme cela est présenté dans le titre de l’étude, la peau jouerait un rôle dans l’entretien de cet état inflammatoire, dans une sorte de cercle vicieux amplificateur.
Par contre, dans le psoriasis, on ne constate pas cette inhibition de la réponse immune innée expliquant l’absence des surinfections dans cette pathologie.
Ce constat dans le cadre de la DA, ce dialogue « pervers » entre le système immun et la peau, impliquerait une nouvelle donne dans la dermatite atopique.
Nous sommes là dans le fondamental de la physiopathologie, il faudra encore beaucoup de temps pour espérer une retombée thérapeutique.
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