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Bébés fiévreux, enfants heureux !?
vendredi 5 mars 2004, par
L’hypothèse hygiéniste postule que les infections de la petite enfance auraient un effet protecteur vis-à-vis de l’apparition ultérieure d’allergie. Cette hypothèse, bien que de mieux en mieux établie, reste controversée quant au rôle des infections virales respiratoires. Ici, il s’agit d’une étude de suivi dans la première année de vie puis entre 6 et 7 ans.
Relation entre la fièvre précoce et la sensibilisation allergique entre 6 et 7 ans. : L. Keoki Williams, MD, MPHa,b,c *
Edward L. Peterson, PhDc,d Dennis R. Ownby, MDe Christine C. Johnson, PhD, MPHb,c,d
aDivision of General Medicine, Department of Internal Medicine, Detroit, Mich, USA
bCenter for Health Services Research, Detroit, Mich, USA
cDepartment of Biostatistics and Research Epidemiology, Henry Ford Health System, Detroit, Mich, USA
dNational Institute of Environmental Health Sciences Center in Molecular and Cellular Toxicology with Human Applications, Wayne State University, Detroit, Mich, USA
eSection of Allergy and Immunology, Department of Pediatrics, Medical College of Georgia, Augusta, Ga, USA
dans JACI February 2004 • Volume 113 • Number 2
– CONTEXTE
L’hypothèse hygiéniste suggère que les infections précoces pourraient protéger contre les sensibilisations allergiques futures.
– OBJECTIF
Le but de cette étude était de déterminer si les fièvres apparaissant dans la première année de vie étaient associées à des sensibilisations allergiques entre 6 et 7 ans.
– METHODES
- Huit cent cinquante-cinq enfants de la banlieue de Détroit (Michigan) ont été enrôlés à la naissance.
- Les données cliniques de leur première année de vie ont été consignées concernant les épisodes de fièvre, le recours aux antibiotiques et les infections respiratoires.
- La fièvre était définie comme étant une température rectale supérieure ou égale à 38.3°C ou son équivalent au niveau d’autres sites de prise de température.
- Dans la période de 6 à 7 ans, 441 enfants ont subi des tests allergologiques.
- Les éléments principaux étaient l’atopie mise en évidence par prick-tests (au moins un prick-test positif), l’atopie mise en évidence par les tests sériques (au moins un test d’IgE spécifiques positif) et une sensibilisation (soit montrée par tests cutanés, soit par la sérologie).
– RESULTATS
- A l’âge d’un an, 207 (46,9%) des 441 participants avaient eu une histoire documentée de fièvre.
- Parmi eux, ceux n’ayant eu aucun épisode fébrile, un seul ou deux ou plus dans la première année, 33,3%, 31,3% et 26,0% respectivement montraient de l’atopie (test cutané) entre 6 et 7 ans (P=0,504) ; 43,4%, 39,7% et 25% respectivement avaient une atopie démontrée par sérologie (P=0,032) et 50,0%, 46,7% et 31,3% respectivement avaient une sensibilisation allergique (P=0,028).
- Après ajustement en fonction des facteurs de confusion, chaque épisode fébrile dans la première année de vie était associé à une réduction du risque de sensibilisation allergique (OR =95%, CI 0,47-1,00).
- Les infections fébriles des voies aériennes supérieures, en particulier, étaient associées avec un risque faible de sensibilisation allergique (OR= 95%, CI 0,31-0,97) par épisode.
– CONCLUSION :
Cette étude soutient directement l’hypothèse hygiéniste parce que les enfants ayant eu des épisodes fébriles durant la première année de vie montraient moins souvent de sensibilisations allergiques entre 6 et 7 ans.
Cette étude de suivi paraît évidente dans son soutien à la théorie hygiéniste.
Autant d’infections, traduites par une élévation de la température, autant de risque en moins de devenir allergique.
En d’autres termes, plus on subit d’infections dans la petite enfance moins aura de risque de se sensibiliser.
La question peut se poser autrement.
Tout d’abord, il est dommage que l’étude n’ait pas inclus un « état des lieux » à l’âge d’un an quant au statut atopique ou non de chaque patient.
Par exemple, on aurait pu déterminer une sous-population d’enfants ayant, dès l’âge d’un an, un terrain atopique : antécédents familiaux d’atopie, allergie alimentaire et eczéma atopique.
Cette sous-population aurait ainsi pu être suivie dans l’ensemble de la cohorte.
La question pourrait se poser autrement : « Pourquoi les atopiques sont moins souvent infectés ?! ».
Ainsi, la méthodologie de cette étude introduirait un énorme biais de recrutement, les enfants faisant le plus d’infections seraient majoritairement non atopiques.
Pour appuyer cela, il faut se souvenir qu’aucune étude sérieuse n’a montré un quelconque déficit immunitaire chez les enfants atopiques.
Au contraire, ils ont un statut immunitaire normal.
Il reste encore beaucoup de chemin pour que la théorie hygiéniste soit convaincante.
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