Extrait bouleau : au bout de l’extrait, de l’eau ?

mercredi 29 avril 2009 par Dr Hervé Couteaux1093 visites

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Extrait bouleau : au bout de l’extrait, de l’eau ?

Extrait bouleau : au bout de l’extrait, de l’eau ?

mercredi 29 avril 2009, par Dr Hervé Couteaux

Cela fait des années que les allergologues testent leurs patients en utilisant des extraits commerciaux dont ils pensent, en toute logique, qu’ils contiennent les allergènes figurant dans les sources naturelles auxquelles sont exposées les susdits patients. Examiner le contenu de ces flacons expose à quelques surprises !...

Composition moléculaire et activité biologique d’extraits commerciaux de pollen de bouleau. : Focke M, Marth K, Valenta R.

Medical University of Vienna, Vienna, Austria.

dans Eur J Clin Invest. 2009 May ;39(5):429-36.

 Contexte :

  • Les extraits commerciaux utilisés pour le diagnostic et le traitement de l’allergie sont actuellement préparés à partir de sources allergéniques naturelles.
  • L’objectif de cette étude était d’analyser les extraits allergéniques de pollen de bouleau destinés au diagnostic in vivo de l’allergie au pollen de bouleau en ce qui concerne leur contenu en allergènes de pollen de bouleau (Bet v 1, Bet v 2 et Bet v 4).

 Méthodes :

  • Les teneurs en protéines ont été mesurées et la composition en allergènes a été analysée par immunoblot en utilisant des sondes anticorps spécifiques pour Bet v 1, Bet v 2 et Bet v 4 dans des extraits de 5 fabricants d’extraits allergéniques.
  • Les contenus en allergène majeur du pollen de bouleau, Bet v 1, ont été quantifiés avec un test enzymatique à deux sites de liaison pour Bet v 1, avec une sensibilité en nano grammes.
  • Les activités biologiques des extraits d’allergènes ont été évaluées par des tests cutanés chez des sujets allergiques au pollen de bouleau et comparées à leurs profils de sensibilisation.

 Résultats :

  • La variation des contenus en protéines totales a montré des variations plus importantes qu’un facteur 10 (23.1 - 314 microg/ml).
  • La même variation a été également retrouvée en ce qui concerne l’allergène majeur du pollen de bouleau, Bet v 1 (1.62 - 19.6 microg/ml).
  • L’allergène croisant Bet v 4 était absent de trois des cinq extraits testés.
  • En outre, les résultats des tests cutanés aux extraits de pollen de bouleau ont été variables.

 Conclusions :

  • Les extraits de pollen de bouleau présentent une grande variabilité en ce qui concerne leur contenu en allergènes et, par conséquent, offrent des résultats variables in vivo.
  • Ces problèmes peuvent être surmontés avec des préparations à base d’allergènes recombinants.

L’étude a analysé 5 extraits commerciaux de pollen de bouleau.

  • La variation de la teneur totale en protéine des 5 extraits était supérieure à un facteur 10.
  • La variation observée entre les différents extraits était du même ordre pour les teneurs en Bet v 1.
  • Les auteurs n’ont retrouvé aucune trace de Bet v 4 (polcalcine) dans 3 extraits sur 5.
  • Les résultats des tests cutanés effectués avec ces 5 extraits n’ont pas été constants.

La qualité du diagnostic allergologique et de l’immunothérapie dépend pour une part essentielle de la qualité des extraits utilisés.

Les résultats d’une telle étude doivent être reçus avec circonspection pour au moins deux raisons :

  • D’abord de telles études sont extrêmement peu nombreuses et ont été souvent le fait des mêmes équipes.
  • Ensuite et surtout, plutôt que nourrir une discussion polémique, ne vaut-il pas mieux, dans l’intérêt des patients, regarder en face les difficultés majeures de fabrication des extraits allergéniques afin de rechercher ensemble (avec nos partenaires de l’industrie) des voies d’amélioration ?

Certes, il est illusoire d’obtenir de bons résultats tant diagnostiques que thérapeutiques avec des extraits ne reflétant pas ou imparfaitement les allergènes auxquels sont réellement exposés les patients à travers des produits aussi divers que des acariens, des pollens, des animaux, des moisissures, des venins…

Il est un fait patent que la fabrication d’extraits allergéniques est complexe et que les laboratoires, la plupart des allergologues en sont convaincus, déploient d’importants moyens en terme de contrôle de qualité.

Les extraits disponibles sont cependant parfois de qualité inégale et les laboratoires, œuvrant dans la transparence, alertent régulièrement les allergologues sur telle ou telle difficulté rencontrée pour tel ou tel type d’extrait (moisissure, chien,…).

Dans la plupart des cas, quand c’est possible, les contrôles de la présence des allergènes en général et plus particulièrement des allergènes « importants », sont réalisés.

Dans quelques cas peuvent même être pratiqués des dosages pondéraux d’un allergène précis sans que cela puisse être de pratique systématique.

Nous croyons (car c’est l’intérêt même des laboratoires fabricants d’extraits allergéniques) que les moyens nécessaires sont effectivement mis en œuvre pour obtenir la meilleure qualité possible en l’état actuelle de la science et des contraintes techniques.

Alors ?

Pourquoi ne pas imaginer une participation des allergologues à l’effort des laboratoires pharmaceutiques en leur précisant simplement quels sont leurs besoins en matière d’extrait !...

Chacun à sa place, dans nos associations professionnelles, à l’hôpital ou en libéral, nous pouvons, si nous le voulons vraiment, initier une réflexion productive sur nos desiderata en matière d’extrait allergénique : faut-il se contenter de contrôler la présence d’allergènes importants (dits « majeurs ») ? Faut-il aller plus loin dans le parallélisme avec les sources allergéniques ? Quelles mentions au final sur les flacons ? Les questions ne manquent pas…

Cela paraît simple ; n’ayons pas la naïveté de croire que cela l’est vraiment : c’est une question complexe, mais, à l’heure du virage moléculaire de l’allergologie (site Allerdata, groupe allergène de la SFA, communications de plus en plus nombreuses dans les congrès,…) il devient de plus en plus évident et nécessaire que les allergologues, après une difficile mais indispensable révolution de pensée, fassent entendre leur voix pour apporter leur contribution, fut-elle modeste à une problématique majeure qui nous concerne tous !...

Et cela, dans le seul but commun d’améliorer la prise en charge de nos patients allergiques.

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