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Une idée reçue (en pleine figure) tombe quant au rôle des polluants de l’air.
jeudi 1er octobre 2009, par
La fonction respiratoire de sujets à risque est-elle altérée par l’inhalation des microparticules dénombrées par les analyseurs de la pollution atmosphérique ? Voilà une bonne question à laquelle répond une étude multicentrique aussi fine que les particules aéroportées suspectes. La réponse est pour le moins inattendue…
Recherche du rôle des particules aéroportées fines et ultrafines sur la fonction respiratoire en cas d’asthme ou de BPCO dans quatre villes européennes. : de Hartog JJ, Ayres JG, Karakatsani A, Analitis A, Ten Brink H, Hameri K, Harrison RM, Katsouyanni K, Kotronarou A, Kavouras I, Meddings C, Pekkanen J, Hoek G.
IRAS, Netherlands.
dans Occup Environ Med. 2009 Sep 6.
– Objectifs :
- L’exposition réelle d’un individu aux particules aéroportées, et peut-être plus encore aux particules ultrafines (NDT : de diamètre inférieur à 0,1 µm) qu’aux particules qualifiées de fines, PM2.5 et PM10 (NDT : de diamètre inférieur respectivement à 2,5 et 10 µm) n’est pas celle mesurée à l’emplacement des capteurs mesurant la pollution atmosphérique d’une ville.
- En effet, le domicile des individus à risque respiratoire ne se trouve pas à l’emplacement de ces capteurs.
- Il découle de cette mise en rapport erronée une possible sous-estimation des effets sur la santé de l’inhalation des petites particules.
- Notre analyse a cherché à évaluer le rôle sur la fonction respiratoire du taux réel de ces 3 types de particules, mesuré tant au domicile que juste à l’extérieur de l’habitat des patients.
– Méthodes :
- L’étude a été menée au sein de 4 grandes villes européennes : Helsinki, Athènes, Amsterdam et Birmingham.
- L’ensemble de notre étude a duré plus d’un an.
- Cent trente-cinq patients, victimes d’un asthme ou d’une BPCO, ont été étudiés.
- Leur fonction respiratoire a été évaluée 3 fois par jour pendant une semaine, par la mesure de la CVF, du VEMS et du DEP.
- En parallèle, le taux de pollution de l’air par les particules ultrafines et les deux sortes de particules fines décrites ci-dessus a été mesuré simultanément en 3 endroits : au centre habituel local de mesure de la pollution atmosphérique mais aussi à l’intérieur et à l’extérieur du domicile de chaque patient.
– Résultats :
- La moyenne des mesures de concentration quotidienne s’étend de 2100 à 66100 particules par cm3 d’air.
- Nous n’avons pas observé de rapport entre le nombre total de particules aéroportées (ou le nombre de chacun des 3 types de particules analysés) mesuré pendant 24 heures et les éventuelles variations des mesures de la CVF, du VEMS ou du DEP.
- Cette absence de lien est retrouvée dans tous les cas, peu importe l’endroit où les mesures du nombre de particules aéroportées ont été effectuées.
- Le résultat est identique si on analyse uniquement les données recueillies chez les sujets asthmatiques.
– Conclusions :
- Aucun lien n’a été retrouvé entre l’intensité de la pollution atmosphérique par des particules ultrafines ou fines comptées pendant 24 heures et les mesures de la fonction respiratoire dans un groupe de patients présentant une BPCO ou un asthme légers à modérés.
- Une évaluation encore plus précise, par le comptage du nombre de particules mesuré dans l’environnement immédiat du patient n’a pas non plus montré de lien avec la fonction respiratoire de ces sujets.
- L’absence d’association retrouvée pourrait être la conséquence du bénéfice des traitements médicamenteux des individus étudiés.
- Une autre hypothèse serait un effet retardé de l’inhalation des particules de très petite taille sur la fonction respiratoire, ce qui est impossible à démontrer.
- Enfin, rien n’interdit de penser que l’exposition à ces fines particules ne joue finalement aucun rôle sur la fonction respiratoire.
Cette étude multicentrique est bien pensée, et tout porte à croire les résultats obtenus. Pour en faire quoi ? Rien, tout simplement.
On n’ose même pas imaginer le prix investi pour observer ce constat : les petites particules inhalées par des sujets aux bronches réputées instables n’entraînent pas de bronchospasme, peu importe la quantité et la taille des plus petites de ces particules.
Oui, et alors ? Certes, les résultats observés sont-ils inattendus, mais les auteurs eux-mêmes se demandent à quel point les dés ne sont pas pipés « à cause » des traitements des patients, à juste titre selon moi. Il est grand temps d’y penser après l’arrêt de l’étude !
Ce genre de conclusion montre à quel point il est difficile de se retenir de chercher un biais quand on ne trouve pas le résultat auquel on s’attendait.
En dehors de ces considérations, je me demande bien à quoi peut servir une telle étude. Peu importent les conclusions, en quoi celles-ci vont-elles changer la face du monde ?
S’il est avéré qu’il y a ou non des crises aiguës respiratoires chez les sujets asthmatiques en cas de pic de pollution, est-ce que ça va changer la qualité de l’air ? Non.
Sur le plan médical, est-ce que cela va modifier la prise en charge thérapeutique habituelle d’un bronchospasme ? Non.
Est-ce que cela est rassurant ? Non, bien sûr, tout le monde se doute bien que l’inhalation cumulée de ces petits polluants a de forts risques d’être oncogène, d’agir sur la fertilité, etc.
Au total, l’objectif initial de l’étude est atteint et dépassé. Oui, les données des capteurs urbains de la pollution atmosphérique ne reflètent pas le niveau d’exposition individuel, ce dont on pouvait se douter confusément, d’instinct, la répartition des composants de l’air d’un milieu urbain paraissant difficilement homogène en permanence sur le territoire de la commune : demandez aux riverains mitoyens d’un élevage porcin ce qu’ils en pensent.
On sait à présent pourquoi il n’a jamais été établi de lien de causalité entre les pics de la pollution de l’air par de petites particules, lesquelles vont pourtant aller loin dans l’arbre bronchique, et une recrudescence de la symptomatologie respiratoire chez les sujets asthmatiques. Tout simplement parce qu’il n’y en a pas…
Pour ma part, j’ai quelques amis de la plus vieille noblesse, je confesse être membre de la chambre des Lords d’Écosse (authentique, mais il n’y a pas de quoi se vanter !) où l’on ne me voit guère d’ailleurs, et je puis vous garantir que la réunion de multiples particules n’a jamais déclenché de détresse respiratoire inopinée. Si, une fois, j’ai rencontré une Comtesse dont la beauté et le charme m’ont coupé le souffle. Il est vrai que son nom ne comporte pas moins de deux particules…
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