Alors l’allaitement maternel, c’est bon ou c’est pas bon ?!

mardi 16 février 2010 par Dr Alain Thillay1063 visites

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Alors l’allaitement maternel, c’est bon ou c’est pas bon ?!

Alors l’allaitement maternel, c’est bon ou c’est pas bon ?!

mardi 16 février 2010, par Dr Alain Thillay

Les données sont contradictoires quant à l’effet de l’allaitement maternel sur la prévalence des maladies allergiques IgE dépendantes de l’enfant. Certaines études suggèrent un effet protecteur et d’autres d’un effet de promotion. Les auteurs japonais de cette étude de questionnaire tentent d’y répondre. Et si la solution était dans l’utilisation des bons outils statistiques…

Allaitement maternel et prévalence des maladies allergiques chez des enfants d’âge scolaire : est-ce un problème de causalité inverse ? : shi Kusunoki 1,2 , Takeshi Morimoto 3 , Ryuta Nishikomori 2 , Takahiro Yasumi 2 , Toshio Heike 2 , Kumiko Mukaida 1 , Tatsuya Fujii 1 and Tatsutoshi Nakahata 2

1 Department of Pediatrics, Shiga Medical Center for Children, Shiga, Japan , 2 Department of Pediatrics, Graduate School of Medicine, Kyoto University, Kyoto, Japan , 3 Center for Medical Education, Graduate School of Medicine, Kyoto University, Kyoto, Japan

dans Pediatric Allergy and Immunology
Volume 21 Issue 1-Part-I, Pages 60 - 66

 Contexte :

  • Les nourrissons à risque élevé de maladies allergiques devraient être allaités pendant des périodes plus longues par rapport aux nourrissons à faible risque dans l’espoir que l’allaitement maternel puisse réduire le risque de troubles atopiques.
    -*Par conséquent, cette intention peut se manifester par un effet apparent de promotion de l’allergie de l’allaitement maternel ou lien de causalité inverse.

 Objectif et méthode :

  • Pour analyser l’effet de l’allaitement maternel sur la prévalence des maladies allergiques à l’âge scolaire, une grande enquête par questionnaire a été administrée à des parents d’écoliers âgés de 7 à 15 ans.

 Résultats :

  • 13215 parents ont répondu (taux de réponse 90,1%).
  • Les taux de prévalence des maladies allergiques ont été comparés en fonction du type d’alimentation du nourrisson (allaitement maternel exclusif, allaitement mixte ou allaitement artificiel exclusif).
  • A la fois, en analyse univariée et multivariée, comparés aux enfants ayant reçu une alimentation artificielle exclusive, ceux sous allaitement mixte et allaitement maternel exclusif ont montré une prévalence significativement plus faible de l’asthme bronchique (p = 0,01 et 0,003, respectivement).
  • D’autre part, en analyse univariée, la prévalence de la dermatite atopique et des allergies alimentaires était significativement plus élevée chez ceux ayant reçu un allaitement maternel exclusif (p=0,04 et 0,01, respectivement).
  • Il y existait une proportion significativement plus élevée d’allaitement maternel exclusif parmi ceux qui ont plus de risques de maladies allergiques (présence d’antécédents familiaux, eczéma, respiration sifflante dans les 6 mois après la naissance ou allergie alimentaire dans la petite enfance).
  • De fait, nous avons inclus dans l’analyse multivariée ces risques comme des facteurs confondants, nous avons alors constaté que les effets de la promotion de l’allaitement sur la dermatite atopique et l’allergie alimentaire disparaissaient.

 Conclusion :

  • Nos données montrent clairement l’effet inhibiteur de l’allaitement maternel sur la prévalence de l’asthme bronchique à l’âge scolaire.
  • L’effet apparent de la promotion de l’allaitement maternel sur la prévalence de la dermatite atopique et de l’allergie alimentaire est dû très probablement à un lien de causalité inverse.

Il existe nombre de données contradictoires eu égard aux effets de l’allaitement maternel sur le développement des maladies allergiques IgE dépendantes dans l’enfance.

Bien que l’allaitement maternel soit regardé comme protecteur sur l’asthme et autres maladies allergiques, un certain nombre d’études prospectives récentes suggèrent que celui-ci pourrait être en fait un facteur de risque de leur développement.

Ce phénomène pourrait s’expliquer par un lien de causalité inverse (l’effet précède la cause), ainsi les enfants à haut risque d’atopie (antécédents familiaux et/ou signes précoces de manifestations d’allergie) seraient plus susceptibles de recevoir un allaitement maternel exclusif sur une plus longue durée.

Pour ces auteurs japonais, le moyen d’analyser la vraie relation entre allaitement maternel et maladies allergiques était de prendre en compte ces facteurs associés à la causalité inverse comme facteurs confondants potentiels.

Dans cette étude, il a été montré que les enfants ayant reçu un allaitement artificiel exclusif ou mixte avaient une prévalence significativement plus faible d’asthme, alors que ceux ayant été élevés sous allaitement maternel uniquement avaient une plus grande prévalence de DA et d’allergie alimentaire.

Ces différences de prévalence disparaissent après analyse de régression logistique multiple.

Ainsi, cela suggère que, chez l’enfant, l’allaitement maternel exclusif à un effet préventif sur l’asthme alors que l’effet de promotion de la DA et de l’allergie alimentaire est plus probablement en rapport avec un lien de causalité inverse.

Si cette étude paraît solide du fait de l’échantillon important avec un nombre de réponses élevé ainsi que des critères stricts de diagnostic des manifestations allergiques, un des biais pourrait être la précision de l’alimentation administrée au nourrisson surtout pour les régimes mélangés.

Toutefois, les auteurs pensent avoir limité ce biais en proposant cinq possibilités : allaitement maternel exclusif, mixé avec allaitement maternel majoritaire, mixé avec quantités égales de lait maternel et de lait artificiel, mixé avec allaitement artificiel majoritaire et allaitement artificiel exclusif.

Ces demandes précises ont permis aux parents de bien se souvenir du type exact d’alimentation.

Autre biais possible, c’est la durée exacte de l’alimentation.

Nous nous retrouvons là avec tous les biais des études rétrospectives.

A noter que dans cette étude comme bien d’autres, on retrouve un effet inhibiteur de l’allaitement maternel sur la prévalence de l’asthme variable en fonction de l’âge de l’enfant, très présent dans la petite enfance jusqu’à douze ans et disparaissant vers 13-15 ans.

Les auteurs pour expliquer ce phénomène ne proposent que quelques théories spéculatives.

Cette étude est intéressante car elle permet d’apporter des explications statistiques pertinentes aux variations d’interprétation de résultats d’études prospectives et rétrospectives concernant l’effet de l’allaitement maternel sur la prévalence des maladies allergiques chez l’enfant.

Les allergologues continueront donc à encourager les futures mamans atopiques à allaiter le plus longtemps possibles leurs bébés.

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