Epigénétique et DA, et pi quoi encore !

vendredi 17 mai 2013 par Dr Alain Thillay783 visites

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Epigénétique et DA, et pi quoi encore !

Epigénétique et DA, et pi quoi encore !

vendredi 17 mai 2013, par Dr Alain Thillay

Exposition prénatale à la fumée de tabac, méthylation de l’ADN et dermatite atopique de l’enfance. : : .-J. Wang , S.-L. Chen , T.-P. Lu , E. Y. Chuang , P.-C. Chen.

dans Clinical & Experimental Allergy 2013 (43)535–543.

 Contexte :

  • Les mécanismes biologiques qui expliquent comment l’exposition au tabagisme conduit à des troubles atopiques restent à définir.
  • L’exposition prénatale au tabagisme qui affecte la méthylation de l’ADN, pouvant amener des troubles atopiques, n’est pas claire.

 Objectif :

  • Comme la plupart des enfants atteints de dermatite atopique (DA) développent ensuite de l’asthme dans la vie, nous avons cherché à savoir si l’exposition prénatale à la fumée de tabac provoque la méthylation de l’ADN au niveau du sang du cordon.

 Méthodes :

  • Les différences de méthylation associées à l’exposition à la fumée ont été criblées par Illumina Infinium humanméthylation27 chez 14 enfants issus d’un échantillon d’une cohorte naissance de Taiwan.
  • Les informations concernant le développement de la dermatite atopique (DA) et les facteurs de risque ont été recueillis.
  • Les taux de cotinine du sang de cordon ont été mesurés en tant que marqueur de l’exposition prénatale à la fumée de tabac.
  • Les loci CpG qui ont démontré une différence statistiquement significative dans la méthylation ont été validés par la séparation de fragments dépendant de la méthylation (MDFS).
  • La méthylation différentielle des trois gènes (TSLP, GSTT1 et CYB5R3) a été identifiée.

 Résultats :

  • Parmi ceux-ci, seul le gène de la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP) montre une différence significative en pourcentage de méthylation du promoteur après avoir été validée par MDFS (p = 0,018).
  • Le gène de TSLP a été étudié sur un plus grand échantillon de 150 enfants de la cohorte qui ont terminé l’étude de suivi.
  • Le statut de méthylation de 5’-CpG TSLP (CGI) de l’île a été trouvé associé de façon significative à l’exposition prénatale à la fumée de tabac (OR = 3,17, 95% IC = 1,63 à 6,19%) et DA (OR = 2,32, 95% IC = 1,06 5,11).
  • Le degré de méthylation TSLP 5’CGI est inversement corrélé aux niveaux d’expression de la protéine TSLP (r = -0,45, P = 0,001).

 Conclusions et pertinence clinique :

  • L’effet de l’exposition à la fumée de tabac pendant la grossesse sur le risque de dermatite atopique pourrait être dépendant de la méthylation de l’ADN.

La méthylation de l’acide désoxyribonucléique (ADN) est un processus épigénétique dans lequel certaines bases nucléotidiques peuvent être modifiées par l’addition d’un groupe méthyle. Chez les vertébrés, le mécanisme consiste en une méthylation de la cytosine 5-méthylcytosine dans les séquences C-G de l’ADN.

Il a été montré que la méthylation est impliquée dans divers processus cellulaires comme la synchronisation de la réplication du chromosome (bactéries) mais aussi la réparation des mésappariements dans l’ADN et le niveau d’expression du gène.

Bien sûr, il est aisé d’imaginer que la relation entre méthylation et expression d’un gène peut être d’une grande complexité.

Ainsi, une forte méthylation inhibe l’expression, alors qu’une faible méthylation favorise la transcription.

Autre donnée, chez les eucaryotes, si le promoteur d’un gène est méthylé, le gène en aval est le plus souvent réprimé et n’est donc plus transcrit en ARNm.

Compte tenu de ces données, il faut concevoir que la méthylation de l’ADN agit comme un « patron » qui conditionne l’expression des gènes dans chaque cellule.

Nous pourrions résumer tous ces processus en disant que l’activation ou l’inactivation du matériel génétique est pratiquée par du matériel biochimique non génétique.

Pour cette raison, cet ensemble de processus est appelé « patron » d’expression des gènes sans modification de la séquence nucléotidique.

Ce patron épigénétique est programmé et imprimé dans les différentes cellules au cours du développement embryonnaire.

De plus, le processus de méthylation de l’ADN est influencé ensuite par les facteurs environnementaux : sociaux, nutritionnels et toxicologiques.

C’est tout le sujet du présent travail effectué par différentes équipes de chercheurs de l’île de Taiwan (Taipei, Taichung).

De nombreuses études épidémiologiques ayant montré un rapport significatif entre le tabagisme de la femme durant la grossesse et le risque atopique de la progéniture, les auteurs ont désiré préciser si la méthylation de l’ADN, en rapport avec l’exposition à la fumée de tabac, pouvait moduler le patronage épigénétique et favoriser l’expression de l’atopie.

Cette étude, au départ, ne regroupe que 14 enfants issus d’une cohorte de suivi de l’île.
Le degré de méthylation a été mesuré sur les cellules du sang du cordon.
Le marqueur de l’exposition tabagique de l’enfant était la cotinine évaluée là aussi sur le sang du cordon.
Parmi les gènes étudiés seul le gène de la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP) montrait une différence significative de méthylation de son promoteur.
Cette constatation a été vérifiée et confirmée sur 150 autres enfants provenant de la même cohorte de suivi.

Les auteurs peuvent conclure que le degré de méthylation du gène promoteur de la TSLP en rapport avec le tabagisme paternel paraît modifier le patronage épigénétique conduisant à une surexpression du phénotype atopique.

Nous, pauvres humains avons cru avec la découverte de la génétique que tout allait devenir simple : un gène égal une maladie.

Mais non, c’était naïvement trop simple ; est arrivé alors le concept du cortège de gènes, plusieurs gènes « s’interpellaient » pour exprimer ou non telle ou telle maladie dans des formes plus ou moins sévères.

Et puis voilà, l’épigénétique, l’environnement agit sur l’expression du génome.
Et puis vraiment non, c’est encore trop simple, il existe un patron épigénétique fait de molécules (ni ADN, ni ARN, ni protéines) qui commande dès le stade embryonnaire l’expression du génome.

Pour mon compte, la lecture de toutes ces avancées scientifiques fondamentales provoque chez moi un ravissement intellectuel inégalé.

Au fait, pour finir, à priori, ce n’est vraiment pas bien de fumer durant la grossesse !!
Vous l’aurez deviné, mes commentaires doivent beaucoup à un sérieux butinage sur la toile.

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