Peau & allergies, les tendances

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Peau & allergies, les tendances

Peau & allergies, les tendances

lundi 14 juillet 2025, par Dr Philippe Auriol

Dans un monde où les maladies allergiques sont en constante augmentation, les affections cutanées telles que la dermatite atopique, l’urticaire et la dermatite de contact sont des signes révélateurs de cette tendance. Ces maladies touchent des centaines de millions de personnes à travers le monde, avec des taux d’incidence et de prévalence qui varient selon l’âge, le sexe et le niveau de développement socio-économique. Pourtant, aucune étude n’avait analysé, jusqu’à présent, l’évolution spatio-temporelle des maladies non transmissibles à l’échelle mondiale. L’étude de Tang et al., s’appuyant sur les données du Global Burden of Disease (GBD), vient combler ce manque.

Méthode

  • Données tirées de la base GBD 2021 (204 pays, 21 régions) sur l’incidence, la prévalence et les DALYs (disability-adjusted life years) pour les affections de la peau (DA), l’urticaire et la dermatite atopique (DC) de 1990 à 2021.
  • Codification selon la CIM-10 : L20 pour la DA, L50 pour l’urticaire, L23 à L25 pour la DC.
  • Utilisation de méthodes statistiques robustes :
    • Taux standardisés sur l’âge (ASR), incidence (ASIR), prévalence (ASPR), DALYs (ASDR).
    • Analyse joinpoint : détection des points de rupture de tendance.
    • Modèle BAPC (Bayesian Age-Period-Cohort) pour la prévision à 15 ans.
    • Analyse de l’inégalité de santé : Slope Index of Inequality (SII) et Concentration Index (CI).
    • Analyse « frontière » : identification des taux minimaux que SDI peut atteindre.

Résultats

  • Le nombre de cas de dermatite atopique est passé de 107 à 129 millions entre 1990 et 2021 (+20 %). Toutefois, les taux standardisés (ASIR, ASPR, ASDR) ont diminué constamment (AAPC autour de –0,2 à –0,28).
  • En 2021, l’urticaire a touché 66 millions de personnes, soit une prévalence stable. Cependant, on prévoit une légère hausse du nombre de cas pour 2036.
  • La dermatite de contact a connu une augmentation record de 253 millions de nouveaux cas en 2021. C’est la maladie cutanée allergique avec l’incidence la plus élevée, sans diminution significative des taux.
  • Les femmes ont davantage tendance à développer ces trois maladies, surtout sous leur forme chronique.
  • L’âge est un facteur important :
  • La Dermatite atopique atteint son maximum entre 5 et 9 ans, puis augmente chez les personnes âgées (plus de 75 ans).
  • L’urticaire connait son pic avant 5 ans, puis diminue.
  • DC : apparition tardive à l’âge de 75 ans.
  • Répartition géographique :
  • DA : prévalence la plus élevée au Japon, en France et au Kazakhstan.
  • Urticaire : Népal en tête, suivi de pays d’Asie centrale.
  • DC : plus répandu au Sri Lanka, Philippines et Indonésie.
  • Corrélation marquée entre le SDI et la DA (r = 0,626), mais absente pour l’urticaire.
  • Évolution des inégalités :
    • DA : réduction des inégalités mondiales (CI passé de 0,059 à 0,020).
    • Urticaire et DC : inégalités persistantes, voire accrues pour l’urticaire.

Discussion

  • La DA est en baisse relative en termes de taux standardisés, ce qui est probablement dû à l’introduction des biothérapies (dupilumab, lebrikizumab) et des inhibiteurs de JAK (baricitinib, abrocitinib).Cela pourrait également être attribuable à une meilleure prise en charge pédiatrique. Cependant, les pays à haut SDI demeurent les plus touchés par ce phénomène.
  • L’urticaire reste à un niveau stable, mais pourrait s’aggraver. Il s’agit souvent d’une réaction aiguë causée par des facteurs environnementaux multiples tels que la pollution, le stress et l’alimentation.
  • Les cas de dermatite de contact ont augmenté depuis 1994 en raison du vieillissement de la population, de l’industrialisation accrue et de la sensibilisation accrue aux produits chimiques (nickel, caoutchouc, conservateurs).
  • La modélisation BAPC prédit :
    • baisse continue de la DA jusqu’en 2036 (ASPR à 1687),
    • égère baisse pour la DC,
    • hausse attendue pour l’urticaire (ASPR à +9,94).
    • Les nations les plus développées se situent toujours au-dessus du seuil minimal théorique concernant le fardeau, ce qui laisse supposer qu’il y a encore des marges de progression possibles.
  • Limites de l’étude :
    • Hétérogénéité des diagnostics.
    • Données absentes ou imprécises pour certaines régions.
    • Prédictions sensibles aux événements globaux imprévus (pandémies, conflits…).

Conclusion

L’étude de Tang et coll. marque une étape importante dans notre compréhension globale des maladies allergiques cutanées. Si la dermatite atopique est en recul relatif, la dermatite de contact et l’urticaire doivent faire l’objet d’une vigilance accrue, notamment en Asie du Sud et chez les sujets âgés. Les politiques de santé publique devront s’adapter à ces évolutions, tant au niveau du diagnostic que du traitement. Enfin, cette recherche met en évidence la nécessité d’améliorer l’accessibilité aux services de dermatologie et d’allergologie, particulièrement dans les nations présentant un PIB par habitant modeste.


Cette recherche mondiale confirme la tendance observée en France dans les cliniques d’allergologie. La dermatite atopique chez les enfants est toujours courante, mais mieux gérée, alors que les consultations pour urticaire chronique et dermatite de contact augmentent chez les adultes et les personnes âgées. En particulier, les changements d’environnement (l’utilisation accrue des cosmétiques, exposition professionnelle ou domestique aux allergènes de contact) et les contraintes psycho-sociales semblent jouer un rôle amplificateur, notamment pour l’urticaire. Ce travail souligne aussi la nécessité d’un dialogue plus étroit entre allergologues et dermatologues, notamment pour les formes mixtes ou réfractaires. À l’heure des biothérapies ciblées, une meilleure compréhension des trajectoires épidémiologiques doit nous aider à structurer une offre de soins préventive, adaptée aux populations les plus vulnérables.

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