Un dernier ver pour la route ? Un vieux rhume peut-être ?

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Un dernier ver pour la route ? Un vieux rhume peut-être ?

Un dernier ver pour la route ? Un vieux rhume peut-être ?

lundi 18 août 2025, par Dr Philippe Auriol

L’asthme, la dermatite atopique (DA) et la rhinite allergique (RA) sont des affections inflammatoires chroniques qui touchent des millions d’enfants à travers le monde. Leur incidence croissante dans les pays industrialisés a suscité des inquiétudes quant aux facteurs environnementaux précoces, notamment les infections respiratoires virales et les infestations parasitaires. Cette revue systématique, réalisée pour les recommandations 2025 de l’EAACI, examine de manière approfondie le lien entre :

  • les infections à virus respiratoire syncytial (VRS) ou rhinovirus (RV),
  • et les infestations par helminthes (Ascaris, Trichuris, ankylostomes, etc.),

Concernant le risque de développement de nouvelles allergies ou d’asthme chez l’enfant.

Ioana Agache and al. The Impact of Rhinovirus, Syncytial Respiratory Virus and Helminth Infection on the Risk of New-Onset Asthma and Other Allergic Conditions—A Systematic Review for the EAACI Guidelines on Environmental Science for Allergic Diseases and Asthma

Méthode

  • La revue a appliqué la méthodologie GRADE (Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation) pour évaluer la qualité des preuves.
  • Deux questions cliniques structurées ont été posées :
    • Q1 : les infections à VRS/RV dans la petite enfance augmentent-elles le risque d’allergies ou d’asthme ?
    • Q2 : les infestations par helminthes diminuent-elles ce risque ?
  • Les informations ont été recueillies auprès de cohortes suivies pendant plus de trois ans, identifiées grâce à une recherche systématique sur Medline, Embase et Web of Science (mise à jour : mai 2023).
    –* Pour évaluer les biais, nous avons utilisé l’outil ROBINS-E.
  • Les comparateurs étaient soit des enfants sans infection respiratoire, soit des enfants infectés mais sans confirmation virologique (VRS/RV).
    –* Nous avons effectué notre analyse statistique en utilisant un modèle à effets aléatoires (Hartung-Knapp-Sidik-Jonkman).

Résultats

1. Infection à VRS

–* D’après 10 études, l’infection par le VRS avant l’âge de 3 ans augmente le risque d’asthme (OR : 3,02 ; IC95% : 2,23–4,09) chez les enfants par rapport à ceux qui n’ont pas eu d’infection respiratoire — preuve de qualité modérée.
–* Toutefois, ce risque disparaît si le comparateur est un enfant avec une LRTI ( lower respiratory
tract infections ;), et un test négatif pour le VRS (OR : 1,01 ; IC95% : 0,41–2,49).
–* Le lien entre la dermatite atopique, la rhinite allergique et les épisodes répétés de sifflements est considéré comme peu fiable en raison d’une puissance statistique insuffisante (preuves très faibles).

2. Infection à rhinovirus

–* Deux études retrouvent un risque d’asthme augmenté (OR : 8,40 ; IC95% : 2.56–27.55) chez les enfants dont l’infection survient avant 3 ans par rapport à ceux qui n’ont pas d’infection respiratoire.

  • Ce lien disparaît en cas de la comparaison avec des enfants infectés mais RV négatifs (OR : 1,51 ; IC95% : 0,67–3,41).
    — * Les preuves des liens avec l’eczéma et le wheezing sont très faibles.

3. Infestation par helminthes

–* Les résultats sont variables en fonction du parasite :

    • Trichuris trichiura : pourrait réduire le risque de sifflements (OR : 0,57) et de dermatite atopique (HR : 0.35) — preuves très faibles.
    • Ascaris lumbricoides : impact incertain sur l’asthme, wheezing ou DA.
    • Ankylostome : tendance à une protection, mais les données sont limitées.
    • Geohelminthes (ensemble) : réduction modérée du risque d’asthme à 5 ans (OR : 0,60), mais impact incertain à 8 ans (OR : 0,84).
  • Aucun lien n’a pu être établi entre l’apparition d’allergies alimentaires ou de rhinite allergique et la présence du virus.

Discussion

  • Cette revue confirme qu’un signal robuste existe : les infections précoces par le VRS et le rendez-vous sont associées à un risque plus élevé de développer de l’asthme chez l’enfant, mais seulement lorsqu’on les compare à une population exempte d’infections respiratoires.
  • Ce lien disparait lorsqu’on compare ces enfants à ceux ayant déjà présenté des LRTI, ce qui suggère que ce n’est pas le virus en lui-même, mais plutôt la gravité de l’infection ou le terrain immunitaire qui est responsable.

Le rôle protecteur des helminthes demeure incertain, mais pourrait s’expliquer par leur capacité à réguler l’immunité (IL-10, Treg et B régulateurs), ce qui pourrait réduire l’inflammation excessive de type Th2.

Cependant, les preuves restent fragiles : les échantillons sont de petite taille et les biais de confusion sont possibles, et les méthodes ne sont pas toujours cohérentes.

  • Les auteurs insistent sur l’importance de considérer :
    • l’âge d’exposition,
    • la charge virale ou parasitaire,
    • les co-infections,
    • les déterminants environnementaux (pollution, hygiène, alimentation, etc.).

Conclusion

Cette méta-analyse rigoureuse suggère que certaines infections virales précoces, en particulier le rhinovirus, pourraient être un facteur de risque sous-estimé pour l’asthme chez l’enfant. Elle met également en évidence le potentiel protecteur des vers intestinaux (helminthes), bien que les preuves soient encore insuffisantes pour justifier des mesures préventives basées sur une exposition contrôlée.

Des études prospectives à large échelle, intégrant des approches exposomiques et des outils d’intelligence artificielle, sont nécessaires pour mieux prédire, prévenir et personnaliser les interventions précoces en allergologie pédiatrique.


Cette synthèse met en évidence l’intérêt de considérer l’infection respiratoire précoce comme un véritable facteur de risque environnemental modifiable. Si le rôle du VRS est désormais bien documenté, cette revue met en évidence celui du rhinovirus, souvent sous-estimé en raison de sa faible sévérité. Il devient alors crucial, en consultation d’allergologie pédiatrique, d’interroger l’histoire virale de l’enfant, surtout en cas d’antécédents familiaux d’atopie.

Les helminthes suscitent encore plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Leur capacité à moduler le système immunitaire évoque des similitudes avec les études sur les probiotiques et l’hygiène excessive. Toutefois, leur application en Europe nécessite une attention particulière. Ce domaine met en évidence l’importance d’une approche globale de la prévention des allergies, qui devrait prendre en compte l’écologie microbienne, les expositions naturelles et la diversité environnementale.

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