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Si maman mange varié pendant la grossesse, la peau de bébé ne sera pas avariée
lundi 27 octobre 2025, par
La question de savoir si l’alimentation de la mère pendant la grossesse influence le risque d’eczéma atopique (dermatite atopique) chez l’enfant intrigue médecins et chercheurs depuis des décennies. Jusqu’ici, les études restaient contradictoires : certains travaux suggéraient qu’une exposition précoce à une grande variété d’aliments pourrait « éduquer » le système immunitaire fœtal, tandis que d’autres n’y voyaient qu’un effet limité. Cette étude taïwanaise apporte un éclairage original en croisant habitudes alimentaires maternelles et composition du microbiote intestinal du nourrisson. Influence of maternal dietary diversity during pregnancy on infant atopic dermatitis : Exploring the microbiome link in a Taiwanese birth cohort by Linh Ba Phuong Huynh and al.
Méthode
- L’étude a inclus 677 duos mère–enfant issus de la cohorte prospective Taipei Mother-Infant Nutrition Cohort, suivies de la grossesse jusqu’aux 3 ans de l’enfant.
- La diversité alimentaire des mères a été mesurée selon l’indice de diversité alimentaire minimal recommandé par la FAO (Minimum Dietary Diversity for Women).
- Les microbiotes fécaux des nourrissons ont été analysés à 2 mois, par séquençage 16S rRNA, afin d’évaluer richesse, diversité et composition bactérienne.
- Le diagnostic de dermatite atopique a été posé entre la naissance et 3 ans, et les risques comparés selon la diversité alimentaire maternelle, en ajustant les analyses pour de nombreux facteurs confondants (âge maternel, BMI, tabac, antécédents familiaux…).
- Les analyses statistiques reposaient sur des modèles de Cox à risques proportionnels pour calculer le risque cumulé d’eczéma.
Résultats
- Une alimentation plus variée pendant la grossesse s’associait à une réduction significative du risque de dermatite atopique chez l’enfant au cours des 3 premières années de vie.
- L’association persistait même après ajustement pour les antécédents atopiques familiaux.
- La diversité alimentaire n’a pas modifié la richesse globale ni la structure globale du microbiote infantile.
- En revanche, elle influençait la composition bactérienne :
- les genres Rothia et Parabacteroides étaient plus abondants et leur présence corrélée à une diminution du risque d’eczéma.
- un apport maternel plus fréquent en fruits et légumes riches en vitamine A favorisait particulièrement l’abondance de Parabacteroides.
- Ces résultats suggèrent un rôle médiateur du microbiote intestinal dans l’effet protecteur de la diversité alimentaire.
Discussion
- Cette étude cest à mettre en faveur de l’hypothèse selon laquelle l’exposition in utero à une grande variété de nutriments module les réponses immunitaires précoces.
- L’effet protecteur observé ne semble pas lié à une simple richesse bactérienne mais à la présence de taxons précis, impliqués dans la tolérance immunitaire.
- Les auteurs rappellent que la vitamine A et ses dérivés favorisent la différenciation de lymphocytes T régulateurs, mécanisme clé de l’immunotolérance.
- La question des recommandations pratiques reste ouverte : faut-il encourager systématiquement les femmes enceintes à élargir leur palette alimentaire, y compris aux aliments allergènes classiques ?
- Les limites incluent :
- une cohorte géographiquement et culturellement homogène (Taïwan), ce qui limite l’extrapolation.
- l’absence de mesure directe des métabolites microbiens (acides gras à chaîne courte, rétinoïdes).
- une période d’observation limitée à 3 ans, alors que l’eczéma peut apparaître plus tard.
Conclusion
Une alimentation maternelle variée pendant la grossesse pourrait réduire le risque de dermatite atopique chez l’enfant, probablement via un effet sur le microbiote intestinal néonatal. Cette étude souligne l’importance d’une approche globale de la prévention, qui inclut non seulement l’exposition aux allergènes mais aussi la qualité et la diversité nutritionnelle du régime maternel. Des études multicentriques, intégrant métabolomique et suivi à long terme, sont nécessaires pour préciser ces liens.
Une très belle publication qui vient enrichir le débat sur la prévention primaire des allergies, débat déjà largement couvert sur allergique.org (voir par exemple les articles sur l’introduction précoce de l’arachide ou la prévention par les probiotiques). Elle s’inscrit dans une logique complémentaire : au-delà de la question de « quand » introduire tel ou tel aliment, il importe aussi de réfléchir à la diversité globale de l’alimentation maternelle pendant la grossesse. Les résultats sont enthousiasmants, car ils renforcent l’idée qu’une alimentation colorée, variée et riche en fruits et légumes peut jouer un rôle dans l’éducation immunitaire du futur enfant. Néanmoins, il ne faut pas extrapoler trop vite : ce n’est pas une autorisation à consommer sans discernement tous les aliments potentiellement allergisants, mais plutôt une incitation à sortir d’une vision restrictive ou d’éviction excessive. Pour les cliniciens, cela rejoint la nécessité de messages simples et positifs en consultation : encourager une alimentation diversifiée, éviter les régimes d’éviction non justifiés pendant la grossesse, et rappeler que l’eczéma de l’enfant ne dépend pas uniquement de la génétique.
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