Les sociétés de médecine traditionnelles chinoises proposent leur Guideline sur la prise en charge de la rhinite allergique (Bi Yuan)

lundi 3 novembre 2025 par Dr Philippe Auriol9 visites

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Les sociétés de médecine traditionnelles chinoises proposent leur Guideline sur la prise en charge de la rhinite allergique (Bi Yuan)

Les sociétés de médecine traditionnelles chinoises proposent leur Guideline sur la prise en charge de la rhinite allergique (Bi Yuan)

lundi 3 novembre 2025, par Dr Philippe Auriol

La rhinite allergique (RA) est une maladie fréquente qui entraine une morbidité importante, des troubles du sommeil, une baisse de la productivité, ainsi qu’un coût social considérable. Les directives mondiales, telles que celles de l’ARIA et de la GINA, se fondent sur l’éviction, les médicaments traditionnels (antihistaminiques, corticostéroïdes nasaux), l’immunothérapie et, plus récemment, les thérapies biologiques.

L’étude présentée propose pour la première fois des directives internationales fondées sur des preuves pour l’utilisation de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Cette initiative est remarquable, car elle cherche à combiner des pratiques médicales anciennes avec une approche méthodologique moderne. International Evidence-Based Guidelines for Traditional Chinese Medicine Management of Allergic Rhinitis by Qin-Wei Fu and al. in Allergy, 2025 ; 0:1–20

Méthode

  • Les auteurs ont utilisé une méthode créée par le groupe de MTC adaptée de GRADE, appelée GRADE-TCM, pour évaluer la qualité des preuves et formuler des recommandations.
  • 351 essais randomisés contrôlés (RCT) ont été inclus, représentant un total de 43 276 patients. Les critères évalués incluent l’efficacité sur les symptômes de la RA, la qualité de vie et les effets indésirables.
  • Des sources complémentaires atypiques (textes classiques de MTC, archives médicales, consensus d’experts) ont été intégrées, ce qui représente une différence méthodologique majeure par rapport aux guidelines ARIA.
  • Le processus a comporté cinq tours de consensus d’experts (80 experts, >10 000 réponses), permettant d’affiner les recommandations. Rappellons que les consensus d’experts sont de bas niveau de preuve scientifique.
  • Les interventions évaluées comprenaient les médicaments à base de plantes, les formules brevetées chinoises, l’acupuncture, la moxibustion et les techniques dérivées des points d’acupuncture.

Résultats

  • 32 recommandations ont été émises : 10 fortes, 22 faibles .
  • Les avantages constatés comprenaient :
    • une diminution des symptômes nasaux,
    • une réduction de la dépendance aux médicaments traditionnels,
    • l’amélioration de la qualité de vie.
    • unebaisse du taux de rechutes
  • Les auteurs soulignent un profil de tolérance favorable avec peu d’effets secondaires graves rapportés.
  • Les preuves sont hiérarchisées : 1 intervention avec un niveau A (preuve solide), 10 de niveau B, 17 de niveau C et quelques recommandations de niveau D/E, basées sur des données indirectes ou limitées.
    • La preuve de niveau A est : l’acupuncture en complément du traitement conventionnel
      • Plusieurs essais randomisés multicentriques ont montré une amélioration significative des scores de symptômes nasaux et de la qualité de vie.
      • L’effet est documenté tant à court terme qu’à moyen terme (jusqu’à 12 mois).
      • La tolérance est bonne, avec peu d’effets indésirables rapportés (léger hématome local).
    • Les preuves de niveau B sont monocentriques, parfois non aveuglés et rarement comparés au traitement conventionnel, portant uniquement sur des populations Chinoises
  • La médecine traditionnelle chinoise (MTC) accorde une grande importance à la « constitution corporelle » et à la prévention individuelle, des aspects qui ne sont pas directement représentés dans ARIA.

Effets secondaires décrits

  • Acupuncture et électroacupuncture : réactions locales bénignes : douleur transitoire, petits hématomes, sensation de chaleur ou de picotement ; très rarement : malaise vagal, vertiges, syncope (souvent chez patients anxieux ou hypoglycémiques).
  • Moxibustion (application de moxa brûlant sur points d’acupuncture) : brûlures superficielles ou irritation cutanée ; inconfort lié à la fumée (toux, irritation oculaire).
  • Phytothérapie (formules classiques ou brevets chinois) : troubles digestifs légers (nausées, diarrhées, douleurs abdominales) ; réactions cutanées isolées (prurit, rash) rapportées dans quelques essais ; rare : élévation transitoire des enzymes hépatiques (non systématiquement reliée à la formule).
  • Catgut embedment therapy (pose de fils résorbables) : douleur au point d’implantation, inflammation locale, sensation de corps étranger ; infections locales anecdotiques, toutes résolutives.

Discussion

  • Points positifs  :
    • Première tentative globale de normaliser l’approche de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) en réadaptation.
    • Intégration à une démarche fondée sur des preuves, ce qui renforce sa reconnaissance internationale.
    • Mise en évidence d’une potentielle complémentarité avec les thérapies conventionnelles, particulièrement pour diminuer la prise de corticoïdes nasaux.
  • Biais et limites :
    • Hétérogénéité des études incluses (qualité méthodologique très variable, parfois sans contrôle aveugle).
    • Utilisation de sources non conventionnelles (anciens textes, registres) pouvant entraîner un biais culturel et subjectif.
    • Risque de publication partial : la plupart des études ont été réalisées en Chine et peu ont été répliquées internationalement.
    • Absence de comparaisons directes avec les normes ARIA, telles que les corticostéroïdes nasaux ou l’AIT.
    • Les niveaux de preuve sont différents selon la méthode GRADE-TCM, créée par la médecine traditionnelle Chinoise pour la médecine traditionelle Chinoise, qui exige moins de preuves qu’habituellement.
  • Comparaison avec ARIA :
    • ARIA recommande clairement les corticostéroïdes intranasaux comme traitement de première ligne et l’immunothérapie allergénique comme traitement de fond.
    • La MTC n’est pas mentionnée en tant qu’option approuvée, car il manque de preuves solides.
    • Les lignes directrices TCM 2025 sont donc en décalage, en mettant l’accent sur des approches alternatives qui ne sont pas acceptables selon des normes scientifiques rigoureuses.

Conclusion

Ces directives constituent une tentative maladroite de création d’un guideline de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) pour le traitement de la rhinite allergique. Elles offrent une structure qui hiérarchise les soins à proposer, mais les preuves sous-jacentes sont faibles et inégales, avec comme seul grade fort selon leurs critères créés sur mesure un effet bénéfique de l’ajout de l’acupuncture au traitement conventionnel de la rhinite allergique. Il existe un écart notable avec les lignes directrices ARIA : celles-ci accordent la priorité aux preuves solides et aux traitements éprouvés, tandis que les directives MTC intègrent des éléments issus de traditions médicales, souvent appuyées par des données fragiles. Il est difficile de défendre une place de la MTC dans l’arsenal thérapeutique mondial.


Voici une étude qui s’efforce d’intégrer la médecine traditionnelle chinoise (MTC) aux directives internationales. Pour ce faire les auteurs s’appuyent sur une échelle de gradation de preuve créée tout exprès par la société des médecine traditionnelles Chinoises pour eux-mêmes. Les allergologues européens vont être dépaysés : les référentiels étudiés sont traditionnels, comme le 《黄帝内经》 (Huangdi Neijing, “Canon interne de l’Empereur Jaune”), texte fondateur de la médecine chinoise (IIe siècle av. J.-C. – IIe siècle ap. J.-C.), qui décrit les désordres du “Bi Yuan” (rhinite chronique) et leur lien avec le déséquilibre du Poumon et du Rein, et les niveaux de preuve sont parfois étranges. Il va falloir être prudents. Il semble probable que certains patients, qui ont déjà recours à des soins alternatifs, pourraient tirer profit d’un ajout d’acupuncture au traitement conventionnel mais on restera là pour les éléments qui semblent aider. En pratique, il faut évidemment privilégier l’application des recommandations de l’ARIA dont les niveaux de preuve sont autrement plus solides, c’est-à-dire les corticoïdes nasaux, les antihistaminiques et l’immunothérapie spécifique. La MTC (médecine traditionnelle chinoise, peut être utilisée comme un traitement complémentaire, à condition d’évaluer la qualité des préparations, d’éviter les interactions potentielles et de surveiller attentivement les effets secondaires. Il y a une tendance croissante vers une médecine "globale" qui serait éloignée de la médecine occidentale : c’est un leurre. Il faut surtout souligner l’importance cruciale de la rigueur scientifique qui est peu présente dans ce "guideline".

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