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Désensibilisation sublinguale à la cacahuète : y-a-t-il un marqueur d’efficacité ? Doit on suivre les IgE ? Les IgG4 ?
lundi 17 novembre 2025, par
L’immunothérapie sublinguale (SLIT) fait rêver chez les enfants de 1 à 4 ans présentant une allergie à l’arachide : peu d’effets indésirables, des doses infimes… et parfois une « rémission » après l’arrêt du traitement. Cependant, quels marqueurs biologiques suivent, voire prédisent ; cette issue heureuse ? Une équipe nord-américaine a disséqué l’évolution des IgE et des IgG4, composant par composant (Ara h 1, 2, 3, 6), pendant 36 mois de SLIT, puis 3 mois d’arrêt, chez des bambins randomisés SLIT vs placebo. Leur but était de découvrir les mécanismes internes de la désensibilisation et d’identifier des marqueurs biologiques pratiques de la rémission. Peanut Component- Specific IgE and IgG4 Are Modulated by Sublingual Immunotherapy and Are Associated With Remission in 1–4- Year- Old Children by Neel Singh and al. in Allergy, 2025 ; 0:1–14
Méthode
- Essai clinique randomisé en double insu, mené dans deux centres (UNC, UTSW), avec suivi jusqu’à 39 mois (36 mois de traitement plus 3 mois d’arrêt). Évaluations cliniques par DBPCFC (épreuve orale en double aveugle contre placebo) à 36 et 39 mois.
- Sous-groupe immunologique : 30 enfants avec prélèvements à M0, M12, M24, M36 et M39. Dosages ImmunoCAP des IgE/IgG4 spécifiques de l’extrait arachide et des composants Ara h 1/2/3/6. Analyse longitudinale par modèles mixtes et comparaison des profils en fonction du résultat (rémission ou non).
- Composants arachide : Ara h 2 et Ara h 6 (2S albumines) sont les « fauteurs de troubles » majeurs.
Résultats : baisse, hausse, ratio
- Baisse : sous SLIT, les IgE spécifiques (extrait et composants) diminuent progressivement sur 36 mois, contrairement au placebo.
- Hausse : les IgG4 spécifiques augmentent nettement (extrait, Ara h 1/2/3/6) sous SLIT. En placebo, on observe seulement une hausse partielle (Ara h 1/3), sans impact clinique.
- Ratio IgG4/IgE : il grimpe pour tous les composants, et ce signal est particulièrement robuste pour Ara h 2 et Ara h 6 — nos deux 2S albumines « phares ».
- Rémission : les enfants en rémission avaient des IgE et des IgG4 plus basses dès l’inclusion et tout au long du protocole. L’IgG4 Ara h 2 ne se chevauchait pas entre groupes à M0, ce qui en fait un candidat biomarqueur !
- Âge : les enfants de moins de 3 ans avaient des profils de base plus « calmes » (IgE Ara h 6 et IgG4 Ara h 1/2/6 plus faibles), et une rémission plus fréquente. Les enfants de plus de 3 ans avaient une moindre probabilité de rémission.
- Dans l’étude principale, 79 % des participants étaient désensibilisés à 36 mois et 63 % étaient en rémission après 3 mois d’interruption, cette tendance était plus favorable chez les plus jeunes.
Discussion
- Mécanisme plausible : la SLIT modifie l’immunité sur Ara h 2 et Ara h 6, gros moteurs de la dégranulation mastocytaire et basophilique. La montée d’IgG4 (anticorps « bloquants ») face à ces 2S albumines, ainsi que leur ratio IgG4/IgE en hausse, cadrent avec la clinique.
- Comparaison OIT : comme dans IMPACT (OIT 1 à 4 ans), on observe une baisse des IgE et une hausse des IgG4. Les différences d’IgG4 selon le résultat (rémission ou non) semblent plus prononcées sous SLIT, ce qui suggère des études comparatives futures entre l’OIT et le SLIT.
- Ppour le placebo : une légère augmentation des IgG4 (Ara h 1/3) liée à l’âge et à l’exposition environnementale, sans bénéfice clinique. Cela sert de rappel utile que tous les IgG4 ne sont pas « cliniquement actifs ».
- Llimites : échantillon de la cohorte immunitaire de 30 personnes, absence de mesure des IgG1/2/3/IgA, et nécessité de mener des études externes pour déterminer les seuils utiles en pratique.
Conclusion et perspectives
Chez le jeune enfant, l’exposition à l’arachide provoque un « double mouvement » immunologique (baisse de l’IgE, hausse de l’IgG4), qui est subtilement perceptible dans les composants, en particulier Ara h 2/6. On observe l’émergence d’un marqueur biologique prometteur : une faible teneur en IgG4 Ara h 2 à l’admission pourrait indiquer une rémission possible. De plus, l’âge inférieur à 3 ans semble offrir une fenêtre plus souple. En pratique clinique, cela signifie qu’il faut effectuer des suivis en utilisant des composants (incluant Ara h 2/6) et en analysant les ratios IgG4/IgE. Il est également crucial d’avoir des discussions sur les probabilités de rémission en fonction de l’âge et des profils initiaux. Il est important de noter qu’il n’y a pas encore de seuils validés ni d’algorithmes décisionnels disponibles.
Nous le savons déjà et cette étude le confirme : pour l’arachide, la musique se joue surtout sur les 2S albumines (Ara h 2/6). En pratique, intégrer Ara h 2/6 dans le monitoring d’une SLIT (sub linguale immunothérapie) à l’arachide devient difficilement contournable, la lecture par ratios IgG4/IgE offre une dynamique plus « parlante » que des valeurs isolées. Voici deux conseils concrets pour les familles : (1) le temps est un allié : les courbes se croisent après 36 mois de traitement par SLIT ; (2) l’âge est important : commencer tôt peut augmenter les chances de rémission. Il reste la vraie vie : accessibilité aux tests (IgG4), frais et la question éternelle : « Que se passe-t-il si on arrête ? » Trois mois d’interruption avec une rémission durable chez la plupart des personnes sont encourageants, mais ne garantissent pas une durabilité individuelle. Il est important de ne pas tomber dans le piège d’un « tout-IgG4 ». L’IgG4 est un indicateur utile, mais ce n’est pas un sésame infaillible. La décision doit être prise en fonction des circonstances spécifiques (âge, comorbidités, adhésion, phobie alimentaire), en collaboration avec d’autres professionnels de la santé. En résumé, une SLIT combiné à un suivi moléculaire intelligent constitue une approche réaliste pour changer une allergie angoissante en un chemin serein, de la patience… et un laboratoire capable de mesurer les IgG4 de l’arachide.
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