Mieux que La Fontaine : Le latex, la châtaigne et les petits fruits

mardi 23 octobre 2007 par Dr Hervé Couteaux1363 visites

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Mieux que La Fontaine : Le latex, la châtaigne et les petits fruits

Mieux que La Fontaine : Le latex, la châtaigne et les petits fruits

mardi 23 octobre 2007, par Dr Hervé Couteaux

Le syndrome latex-fruits est largement documenté et la liste des fruits en cause s’étire comme un élastique, chaque jour un peu plus. La châtaigne en fait partie mais la réactivité à ce fruit est-elle univoque ? S’il faut en croire cette étude, la châtaigne peut aussi mener sa barque sans l’aide du latex, mais est-ce aussi simple que cela ?

Allergie au latex et à la châtaigne : réactivité croisée ou co-sensibilisation ? : M. Raulf-Heimsoth, S. Kespohl, J. F. Crespo, J. Rodriguez, A. Feliu, Th. Brüning, H. P. Rihs

Research Institute of Occupational Medicine of the Berufsgenossenschaften (BGFA), Ruhr-University Bochum, Bochum, Germany ; Hospital Universitario 12 de Octubre, Servicio de Alergia, Madrid, Spain

dans Allergy
Volume 62 Issue 11 Page 1277-1281, November 2007

 Contexte :

  • Les allergies à la châtaigne et au latex de caoutchouc naturel (LNR) sont souvent associées dans le syndrome latex-fruits.

 But de l’étude :

  • Déterminer si l’occurrence des réactivités des anticorps IgE contre le LNR et la châtaigne est le résultat d’une co-sensibilisation ou d’une réactivité croisée.

 Méthodes :

  • Des sera de 19 patients contenant des IgE spécifiques vis-à-vis de la châtaigne et LNR ont été sélectionnés et testés pour leurs réactivités à des allergènes recombinants (r) du latex.
  • La réactivité croisée a été explorée par tests d’inhibition IgE utilisant des allergènes de LNR et de châtaigne sur phase solide en ImmunoCAP.

 Résultats :

  • Les anticorps IgE contre rHev b 6.01 (prohéveine) ont été détectées dans 58% des sera, contre rHev 5 b dans 32%, contre rHev b 12 dans 4 des 13 sérums, contre rHev 7.02 b et b rHev 11 dans 4, et contre rHev b 1 dans 2 des 19 sera.
  • Des IgE vis-à-vis de rHev b 8 ont été trouvés dans 9 sera (47%), dont 6 avec une mono sensibilisation à rHev b 8 en regard de notre panel de tests.
  • 3 des 16 sera avaient des IgE réactives vis-à-vis des déterminants glucidiques cross-réactifs.
  • Dans la plupart des sera reconnaissant rHev b 5 et/ou rHev b 6.01 comme allergènes majeurs, l’IgE-réactivité au LNR est restée inchangée par pré-incubation avec des extraits de châtaignes et l’IgE-réactivité à la châtaigne est restée inchangée par pré-incubation avec des extrait de latex.
  • Inversement, dans les sera avec rHev b 8 comme allergène dominant les liaisons IgE avec NRL ont été presque complètement inhibées par la châtaigne, et vice versa.
  • Les liaisons IgE avec rHev b 8 ont été supprimées par l’extrait de châtaigne.

 Conclusion :

  • Chez des patients ayant une IgE-réactivité concomitante à la châtaigne et au NRL, la réactivité croisée a pu être démontrée principalement chez les patients avec des IgE se liant à Hev b 8 (Profiline du latex).

Chez des patients présentant une IgE réactivité à la fois au latex et à la châtaigne, ceux (un peu moins de la moitié) dont les IgE se lient préférentiellement à la profiline du latex (rHev b 8) ont une réactivité concomitante latex-châtaigne par réactivité croisée.

Les autres présentent des IgE réactivités « indépendantes » d’une part avec la châtaigne et d’autre part avec le latex.

Classiquement, le syndrome latex-fruits se définit comme une réactivité croisée : certains sujets allergiques au latex par le biais d’une IgE-réactivité à Hev b 6.01 (pro-hévéine) et/ou Hev b 6.02 (hévéine) peuvent être IgE réactifs (voire pour certains cliniquement réactifs, c’est-à-dire allergiques) à certains fruits contenant des chitinases de classe 1 ou 4 (hévéine et chitinase présentant de fortes homologies).

Les conclusions de l’étude prises au pied de la lettre sont surprenantes : la réactivité croisée latex-châtaigne existe chez des sujets IgE réactifs aux profilines du latex (Hev b 8) et de la châtaigne (Cas s profilin) ; cette réactivité croisée n’a pas été retrouvée chez des sujets dont l’IgE réactivité s’exerçait principalement vis-à-vis d’Hev b 5 ou d’Hev b 6.01.

Cette étude, présentée sous forme de poster lors du congrès EAACI de Munich, n’a donc été publiée qu’environ 2 ans après…

Sans préjuger des motifs de cette publication tardive, on peut en discuter quelques points, après analyse du texte intégral de cette publication :

  • Critères d’inclusion : IgE réactivité coexistante au latex et à la châtaigne.
  • Aucun renseignement n’est fourni quant à l’origine géographique des patients (Espagne, Allemagne, les deux pays ?) or nous savons que ceci conditionne la nature des sensibilisations.
  • Aucune précision sur les pollinoses (pourtant probables) de ces patients.
  • Aucun renseignement sur l’allergie au latex, ni même sur les tests cutanés au latex ; dans ce cas comment « remettre en cause » la notion classique de syndrome latex fruits qui concerne des sujets allergiques au latex…
  • Sur les méthodes :
    • Une seule concentration d’inhibiteur testée et pas de notion de contrôle par rapport à un extrait connu (CAP par exemple) ; on peut alors penser qu’il est possible que cet extrait contenait bien de la profiline mais pas (ou pas assez) de chitinase Cas s 5 !
  • Sur les résultats :
    • Les patients retenus ont une IgE réactivité vis-à-vis du latex que l’on peut séparer en deux groupes : les sujets sont soit Hev b 8 + soit Hev b 6.01 +. Ceci est vrai pour 18 patients sur 19 (un seul sujet a des IgE se liant à ces deux allergènes).

Ce qui nous ramène à la sélection de départ des patients : on peut supposer deux groupes distincts de patients : des sujets réactifs aux allergènes du latex et des « profiline + » (probablement par pollinose).

Si l’on regarde les données cliniques pour la châtaigne :

  • Sur 19 sujets ayant des IgE se liant à la châtaigne : 4 l’évitent, 3 n’ont fourni aucune donnée clinique, 2 n’ont aucun symptôme ; restent donc 10 patients réagissant cliniquement à la châtaigne.
  • Sur ces 10 patients, 6 ont présenté un syndrome oral : ils sont tous Hev b 8 + et Hev b 6.01 négatif.
  • 2 ont présenté un angioedème et 2 une anaphylaxie : ils sont tous les 4 Hev b 8 négatifs et Hev b 6.01 +.

Chez des sujets présentant une IgE réactivité vis-à-vis de la châtaigne et du latex, tester l’IgE réactivité aux allergènes du latex donne des éléments pronostiques de la réactivité clinique à la châtaigne.

  • Hev b 8 + Hev b 6.01 négatif : réaction clinique attendue modérée.
  • Hev b 8 négatif Hev b 6.01 + : réaction clinique attendue sévère.

Plus qu’une remise en cause du syndrome latex-fruits, cette étude est intéressante par l’apport d’éléments pronostiques tirés de l’étude de la réactivité au latex au niveau des recombinants, c’est-à-dire au niveau moléculaire.

Mais cette étude ne concerne qu’un faible nombre de patients et comporte des lacunes de méthodologie importantes, ce qui appelle donc confirmation par des études plus rigoureuses.

NB : Merci à Henri Malandain qui m’a procuré le texte intégral assorti de ses précieux commentaires…

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