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Naissance de l’asthme : Ozone dangereuse
mercredi 14 mai 2025, par
Alors que l’ozone (O₃) est reconnu pour ses effets délétères en cas d’exposition aiguë, son rôle dans la survenue de l’asthme pédiatrique reste controversé. Dans ce contexte, l’étude coordonnée par Logan Dearborn et publiée en avril 2025 dans JAMA Network Open apporte un éclairage original : elle s’intéresse à l’impact d’une exposition précoce à l’ozone — dès les deux premières années de vie — sur la survenue de l’asthme et des sifflements respiratoires, dans des zones où les niveaux de pollution sont pourtant faibles. Cette approche, centrée sur une fenêtre critique du développement immuno-respiratoire, fournit des données clés pour mieux comprendre les facteurs environnementaux de l’asthme de l’enfant.
Méthode
- Cohorte et population étudiée : l’étude s’appuie sur 1188 enfants issus de trois cohortes américaines regroupées dans le consortium ECHO-PATHWAYS. Tous ont eu une naissance à terme, une adresse résidentielle connue et des données respiratoires collectées entre 4-6 ans et 8-9 ans.
- Exposition : L’exposition à l’O₃ a été estimée via un modèle spatiotemporel validé intégrant des données de capteurs réglementaires et environnementaux sur les deux premières années de vie. Les autres polluants considérés étaient le NO₂ et les PM2.5. (Voir l’explication du modèle de krigeage universel ici.)
- Mesures de santé : les symptômes respiratoires ont été évalués à l’aide du questionnaire ISAAC, validé pour identifier l’asthme et les sifflements actuels.
- Analyses statistiques : les auteurs ont combiné des régressions logistiques avec ajustement progressif (modèle minimal, primaire, étendu) et une analyse de mélanges multipolluants par Bayesian Kernel Machine Regression (BKMR) pour évaluer les effets isolés et combinés de chaque polluant.
Résultats
- Prévalences observées à 4-6 ans :
- Asthme actuel : 12,3
- Wheezing actuel : 15,8 %
- Association avec l’O₃ :
- Une augmentation de 2 ppb d’O₃ était associée à un risque accru :
- d’asthme : OR = 1,31 (IC95 % 1,02–1,68)
- de wheezing : OR = 1,30 (IC95 % 1,05–1,64)
- Effets à 8-9 ans : aucune association significative n’a été retrouvée avec les symptômes respiratoires ou l’asthme strict.
- Analyse en mélange :
- La BKMR a montré que l’O₃ restait associé à l’asthme et au wheezing lorsqu’on le considérait avec NO₂ et PM2.5, mais surtout lorsque ces deux derniers étaient à des niveaux médians ou élevés.
- Une interaction positive a été observée avec les PM2.5, mais pas avec le NO₂.
- Analyses de sensibilité : l’effet disparaît lorsqu’on ajuste pour les expositions prénatales et les autres polluants postnatals, soulignant la complexité des interactions.
Discussion
- Forces de l’étude :
- Approche multicentrique et prospective avec une modélisation fine des expositions.
- Fenêtre critique d’exposition bien définie (0–2 ans), souvent négligée dans les études antérieures.
- Utilisation de modèles statistiques adaptés aux mélanges de polluants.
- Limites :
- Absence de mesures personnelles ou intérieures d’exposition.
- Déclaration parentale comme unique source pour les symptômes respiratoires.
- Résultats sensibles à la composition de la cohorte (en particulier à la présence de bougies).
- Interprétation :
- Cette étude suggère que même des expositions faibles à l’O₃ dans les premières années de vie peuvent favoriser l’asthme à un âge où le diagnostic est plus fiable.
- Cependant, cette influence ne persiste pas au-delà de 6 ans, suggérant un rôle d’amorce plutôt que de pérennisation.
Conclusion
Cette étude bien conduite confirme la vulnérabilité particulière de la période postnatale précoce aux effets de la pollution atmosphérique, en particulier l’ozone. Elle met en lumière l’importance de réguler les niveaux d’O₃ même en dessous des seuils réglementaires actuels, notamment dans les environnements urbains à faible pollution. Toutefois, la fragilité des associations retrouvées dans les analyses secondaires et la disparition des effets à long terme incitent à la prudence. De futures études longitudinales intégrant des biomarqueurs, des expositions personnelles et une analyse des expositions intérieures seraient nécessaires pour consolider ces observations.
Si l’ozone n’est pas un allergène au sens immunologique du terme, son rôle d’initiateur ou de co-facteur inflammatoire dans la genèse de maladies allergiques prend ici tout son sens. L’augmentation du risque d’asthme chez l’enfant exposé précocement à l’O₃ interroge directement notre pratique en allergologie pédiatrique : devons-nous considérer l’environnement chimique urbain comme un facteur à dépister et à moduler activement ? Ce travail nous alerte : les expositions environnementales précoces, même à des niveaux jugés “bas”, peuvent initier un terrain propice à l’asthme, particulièrement chez des enfants à risque atopique. L’étude renforce ainsi le rôle du conseil environnemental dans notre arsenal de prévention allergologique. Un sujet déjà abordé sur allergique.org, dans des publications qui plaidaient au contraire pour un effet agressif des niveaux trop bas et que pour la sensibilisation, un sous-groupe d’asthmatiques peut acquérir une augmentation de la sensibilité aux aéroallergènes après exposition à l’ozone.
Et rappelez vous d’où vient l’ozone de votre maison :
- Réactions photochimiques à partir de composés organiques volatils (COV) Certains COV présents dans les produits d’entretien, parfums d’intérieur ou désodorisants peuvent réagir avec l’ozone déjà présent pour en produire davantage ou engendrer des sous-produits toxiques (aldéhydes, radicaux libres).
- Equipements électroniques : ces appareils, surtout lorsqu’ils fonctionnent intensivement, produisent de petites quantités d’ozone par décharges électriques (effet corona).
- Infiltration d’air extérieur : l’ozone troposphérique, produit en extérieur par des réactions entre NOₓ et COV sous l’effet du soleil, peut pénétrer dans les logements, surtout en été et lors d’une aération intense (fenêtres ouvertes)
- Purificateurs d’air à ionisation ou générateurs d’ozone : Certains appareils dits « ioniseurs » ou « purificateurs à plasma » émettent de l’ozone volontairement pour « désinfecter » l’air. Ces dispositifs sont une source directe d’ozone, souvent sous-estimée, et peuvent atteindre des concentrations préoccupantes en intérieur.
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