Podcast : "là où il y a de l’allergène, il y a du plaisir". Petite visite guidée des causes de l’allergie, ces molécules responsables des allergies

lundi 1er décembre 2025 par Dr Philippe Auriol13 visites

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Podcast : "là où il y a de l’allergène, il y a du plaisir". Petite visite guidée des causes de l’allergie, ces molécules responsables des allergies

lundi 1er décembre 2025, par Dr Philippe Auriol

Vous vous pensiez allergique aux acariens voir plus – Définition , aux pollens voir plus – Définition , à la poussière ou au soleil : pas du tout, vous êtes allergique à des allergènes.

Oui mais bon, tu chipotes là me direz vous, c’est la même chose…

Eh bien non pas du tout car les allergènes sont des briques moléculaires que la nature distribue dans différentes sources du vivant et votre système immunitaire ne fera pas toujours la différence si cette molécule vient d’un pollen ou d’un fruit, d’un acarien ou d’un kiwi.

Voyons cela plus en détail :

  • Un noisetier produit son tronc, ses branches, ses noisettes, ses feuilles et ses pollens.
  • Certaines personnes souffrent d’une allergie à la noisette modérée : sa consommation gratte la bouche et gonfle les lèvres quand elle est fraîche mais ils peuvent manger une pâte à tartiner à la noisette sans avoir de signe d’allergie. Leur allergène est alors la molécule PR-10, une molécule de défense des végétaux, appelée Cor a 1 pour la noisette. Ces patients seront alors également gênés en consommant d’autres PR-10 issues de d’autres sources : pomme, cerise, poire mais aussi dans des pollens… comme le pollen de noisetier… ou de bouleau. C’est effectivement cette même molécule qui est le plus souvent en cause dans l’allergie aux pollens de bétulacées.
  • D’autres personnes feront des allergies sévères à la noisette, parfois mortelles, en mangeant eux aussi des noisettes mais crues ou cuites, avec des conséquences toutes aussi graves. Ils seront allergiques à d’autres molécules allergisantes de la noisette comme Cor a 8 (une LTP, protéine de transfert lipidique) ou à Cor a 9 ou Cor a 14, elles aussi thermorésistantes, qui sont des protéines de stockage (11S globuline et 2S Albumine).

Le résultat c’est que les allergiques à la noisette ne sont pas tous les mêmes allergiques, certains seront légers, d’autres sévères selon les molécules qu’ils auront choisi. Rappelez vous, nous en avions parlé dans le podcast sur l’allergie à l’arachide.

C’est également vrai pour les autres sources d’allergie : une allergie aux acariens n’aura pas la même conséquence selon que l’on est allergique à Der p 1, cystéine protéase, (enzyme du même type que Act d 1 du kiwi) qui augmente le risque d’asthme que si l’on est allergique à Der p 10, une tropomyosine (protéine de muscle), où l’on risque davantage de réagir en mangeant des crevettes (Pen a 1 étant une tropomyosine assez proche en structure).

Voilà, vous comprenez bien que, parfois, votre allergologue va avoir besoin de vous faire faire un bilan biologique moléculaire pour détailler un peu tout ça, comprendre comment l’allergie fonctionne chez vous, quels sont vos risques et les meilleurs choix à faire…

Savez-vous que ces réactivités « croisées » (réactions avec des molécules allergisantes proches) donnent lieu à des inquiétudes exagérées ?
Il est fréquent que pour se convaincre de prendre rendez-vous chez un allergologue, des médecins traitants demande un dépistage par une phadiatop (dépistage des allergies aux sources aériennes) ET un trophatop (dépistage des allergies alimentaires) pour être « sûr de ne pas passer à côté ».

Vous avez deviné : les protéines Bet v 1 du bouleau feront devenir positif le test alimentaire pour tous les fruits et légumes, la crevette et le kiwi reviendront positifs chez de nombreux allergiques aux acariens et l’inquiétude confinera à l’incompréhension quand vous vous apercevrez que vous mangez tous ces aliments sans aucune réaction.

Principe simple : si vous en mangez et qu’il ne se passe rien dans les minutes qui suivent, vous n’y êtes pas allergiques.

Bon, d’accord, j’ai compris : je suis allergique à des molécules qui sont réparties dans des sources différentes dans la nature et le danger peut venir de toute part. C’est pas un peu flippant ?

Effectivement, c’est parfois embêtant de constater qu’on ne sait pas tout. Mais remettons les choses à leur place : si vous êtes allergique à une PR-10 vous n’êtes pas forcément allergique à toutes les PR-10. D’abord, il y a plus de chances que vous réagissiez également à celles qui sont issues d’une famille proche : la PR-10 du bouleau ressemble plus à celle du noisetier, de l’aulne ou du charme qu’à celle de la pomme. Il est donc plus probable que vous réagissiez d’abord aux pollens proches avant de réagir à la pomme.

Un élément à considérer en plus pour améliorer la probabilité est la masse moléculaire (en kDa, kilodalton) de la molécule : plus elle est proche, plus il est probable que les molécules se ressemblent quand elles sont déjà taxonomiquement proches.

Euh, ça veut dire que ça change ? Mais c’est fou ça, on ne peut se fier à rien.

Votre système de défense essaye d’améliorer ses réactions en permanence. Rappelez vous nous en avons parlé dans les premiers podcast. Il décide qu’une molécule est un problème, [il fabrique des anticorps de la famille E -https://www.allergique.org/article5193.html] contre eux et, au fur et à mesure du temps, quand il voit des variants de la molécule en question, il améliore ses défenses en rajoutant des anticorps contre les variants. C’est embêtant, je vous le concède, mais c’est logique.

On peut pas empêcher ça ?

Ben si, je vous l’ai déjà dit : traitez-vous. Empêchez vos allergies de s’accentuer en prenant vos traitements médicamenteux dès les premiers symptômes voire en prévention au lieu de vous dire que vous allez laisser faire la nature (qui s’est bien planté sur ce coup là). et si ces traitements sont souvent nécessaires, rappelez vous qu’il y a alors indication à faire une immunothérapie allergénique (désensibilisation) avec un allergologue.

Mais revenons à nos allergènes.

Vous avez déjà entendu parler des antigènes : des molécules des virus, bactéries ou autre contre lesquels votre système de défense va réagir pour maintenir son intégrité et empêcher ces hôtes indésirables de vous envahir. ils ont pour caractéristiques communes d’être des molécules jugées agressives par notre organisme, PAMPS, car reconnus par des récepteurs spéciaux les PRR. C’est un domaine passionnant mais spécialisé, je vous mets un lien pour approfondir tout ça ici.

Les allergènes sont des antigènes particuliers : ce sont des antigènes qui entraînent une réaction de défense de type allergique. La plupart d’entre eux sont des glycoprotéines, c’est à dire des sucres avec des protéines. Et ça tombe bien car les anticorps de l’allergie se fixent sur une fraction de ces protéines, le plus souvent une séquence de quelques acides aminés.

Rappel : une protéine est constituée d’un ensemble d’acides aminés

Ce motif est appelée épitope. Il peut être aligné « de naissance », épitopes linéaires, c’est à dire mis à la queue leu leu lors de la synthèse de la glycoprotéine ou assemblé par les replis de la molécule, épitopes conformationnels. Ces derniers sont évidemment plus sensibles à la chaleur ou aux enzymes qui peuvent les détruire et les rendre aréactif du point de vue immunitaire. Vous pensez à la PR-10 de tout à l’heure ? Exactement, vous avez raison. De même pour la cacahuète, Ara h 2 et 6 de la cacahuète sont thermorésistants : vous ne vous en débarrasserez pas comme ça.

Pas tous des acides aminés

  • Côté anticorps/IgE, un épitope peut être :
    • Protéique : suite d’acides aminés (linéaire) ou forme 3D (conformationnel).
    • Glucidique : sucre reconnu par les IgE (ex. alpha-gal ; CCD).
    • Lipidique : pas encore décrits à ma connaissance
  • Côté lymphocytes T, l’épitope est un peptide présenté par le CMH (ou un lipide via CD1).
    Conclusion : un épitope n’est pas toujours constitué d’« acides aminés ». Il peut être un sucre ou un haptène couplé.

Non mais de toute manière, moi je suis allergique au soleil

Ah, euh, vraiment ? Y a des acides aminés dans le soleil ? Des protéines ? des glucides ? C’est un abus de langage : il n’est pas possible d’être allergique aux photons, pas plus qu’à l’eau (H2O) ou au froid…

Il est possible par contre que l’exposition solaire modifie la structure chimique de molécules qui sont dans votre peau. Par exemple le diclofenac, un anti-inflammatoire, fait ça parfois.

Il est possible que l’eau de la piscine contienne des pollens de votre entourage et que ceux-ci vous provoquent « comme un test cutané » au frottement sur la peau.

Il est possible que le froid, la pression, le frottement active vos mastocytes et vous provoquent de l’urticaire que vous confondez (comme tant de gens) avec de l’allergie alors que ce n’est que de l’hyper-réactivité cutanée.

Bon, d’accord, j’ai compris : on les trouve listés quelque part ces allergènes ?

Oui, de nombreux chercheurs sur la planète tiennent le compte de ceux-ci et il y a un site internet dédié. Il s’appelle Allergen Nomenclature et est réalisé par l’OMS et l’union internationale des sociétés d’Immunologie en collaboration avec l’académie Européenne et Américaine d’allergologie. Vous pouvez chercher les sources (exemple : noisetier) ou les allergènes (exemple : Cor a 1, Cor a 8, Cor a 9, Cor a 14 etc.).

En France, en 2008, à partir du travail d’un génial biologiste de Vannes (Henri Malandain), nous avons réalisé avec mes associés le site Allerdata qui vous permet avec l’outil de visualiser les réactions croisées entre sources et allergènes : sympa non ?. Ce site appartient désormais à la société Française d’allergologie à qui nous l’avons remis il y a quelques années.

Hum, je réfléchis et je me dis que… c’est faux ce truc de protéine pour les allergènes non ? Parce que, quand même, l’allergie au nickel ça existe bien ça, non ?

Eh bien non, c’est un abus de langage là aussi : comme pour l’eau, le froid, le vent…

Il y a des allergènes qui vont être fabriqués directement dans l’organisme, dans votre organisme : oui, oui. Le nickel est un bon exemple : vous portez votre bijou préféré, il frotte sur votre peau tandis que vous transpirez. Quelques ions nickel se détachent et viennent se fixer sur la membrane d’une de vos cellules de la peau : le keratinocyte. Votre système de défense reconnaît comme allergène votre structure de membrane cellulaire adjointe de nickel : c’est elle l’allergène, pas le nickel.

On parle d’haptène. Petite molécule qui associée à un support formera l’allergène. En 2008 également, les Dr Le Coz et Lepoitevin ont publié un dictionnaire des allergènes de contact chez Springer. Si le sujet vous intéresse il vous faudra vous le procurer….

Dans les abus de langage classique il y a l’allergie à l’iode. Et oui, évidemment ça n’existe pas.

Vous pouvez être allergique à un ou plusieurs produits de contraste iodés, vous pouvez être allergique au poisson, aux crustacés, à la povidone iodée : vous n’êtes pas pour autant allergique à l’iode, non. Ces allergènes, qui contiennent tous de l’iode, ne contiennent pas de molécule allergisante commune qui leur permettrait de croiser entre eux : ce sont des allergènes différents. D’ailleurs vous vous en doutiez, quand vous mettiez votre sel de mer sur votre plat et qu’il ne se passait rien.

En conclusion,

  • L’allergie aux acariens n’existe pas, pas plus que celle aux pollens ou à la cacahuète mais c’est quand même beaucoup plus facile de l’appeler comme ça pour les gens qui vous entourent…
  • Vous êtes allergiques à des molécules et selon les molécules que vous aurez choisi vos réactions allergiques seront différentes, plus ou moins graves.
  • Ces molécules sont partagées dans la nature entre différentes sources, cela donne les allergies croisées. La proximité taxonomique, la structure et la masse moléculaire sont des éléments qui permettent d’apprécier la probabilité de réaction croisée.
  • Les allergènes sont des molécules reconnues par nos cellules présentatrices d’antigène parce qu’ils se fixent sur des récepteurs dédiés à la défense contre des organismes agressifs.
  • Pour faire un allergène il faut des protéines, des glucides voire des lipides. Les anticorps se fixent sur des motifs appelés épitopes. Vous ne pouvez pas être allergique au soleil ou à l’eau…
  • Certains allergènes arrivent sous forme incomplète, ce sont des haptènes. Ils ne deviennent des allergènes que quand ils ont trouvé un support avec lequel former l’allergène. C’est l’exemple du nickel.

Dans le prochain épisode je vous parlerai de l’urticaire et des oedèmes. Bonne journée à vous les amis, prenez soin de vous.


On ne fait pas « allergie à la cacahuète » ou « aux acariens voir plus – Définition  » : nos IgE ciblent des allergènes précis et sur ces allergènes des épitopes, minuscules fragments. Comprendre ces familles change tout : la PR-10 (bouleau/pomme) fest détruite par la cuisson ; la LTP (pêche, pomme) y résiste ; Ara h 2/6 signale le risque d’anaphylaxie à l’arachide ; Der p 1 fragilise l’épithélium et aggrave l’asthme. Avec cette boussole moléculaire, on comprend mieux la maladie, on explique les réactions croisées, on évite les évictions inutiles et on personnalise la prise en charge. Je vous emmène pour un rapide survol.

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